mercredi 22 juin 2016

Un si petit héros... #3

Pourvoir le début de cet article, c'est par ICI et par ICI.

Un jour, en rentrant en néonat, tout le monde me regarde avec un visage béat. Le chef de service vient me voir pour m'annoncer LA grande nouvelle qu'on attendait depuis deux mois : Peticha va pouvoir rentrer à la maison.

Je suis d'abord heureuse puis, peu à peu, d'autres sentiments viennent entachés ce bonheur : "je ne vais pas y arriver".
Cela fait plus de deux mois, qu'en plus des liens que j'ai tissé avec mon fils, j'ai noué une étroite et étrange relation de'amour et de haine avec son scope.
Cette machine qui seconde après seconde m'informe du rythme cardiaque de mon fils, de ses satanés bradys et désats.

Je ne veux pas repartir avec l'un (mon fils) sans avoir l'autre (la machine). Pour me rassurer, il paraît que c'est assez fréquent ce genre d'angoisse chez les parents, l'équipe me propose de passer 3 nuits en chambre mère/enfant sans la machine.

Et j'ai enfin mes trois jours à moi à l'hôpital dans la même chambre que mon fils. C'est peut être bête mais à ce moment là, j'ai eu l'impression qu'on me rendait un peu de ce qu'on m'a volé à la naissance de Peticha.

Un des seuls avantages de la prématurité (promis si j'en trouve d'autre, je vous fait signe), c'est que quand il arrive à la maison, on le connaît déjà. Pas comme les autres parents qui commencent à découvrir leur enfant. Cela fait deux mois qu'on l'observe sous toutes les coutures quand il est au plus mal comme quand il grandit en se battant comme un guerrier. Je sais quelle position va le soulager, celle qu'il préfère pour dormir, les bruits qui l'apaisent ceux qui, au contraire, paraissent l'agresser.

Arrive alors un autre quotidien. Sans soins (médicaux) et sans machine. On apprend a redécouvrir bébé autrement.

Ce moment pour beaucoup de monde autour de nous signifie la fin de la prématurité : il est à la maison, c'est que bébé va bien, il n'est plus en danger.
Alors, une fois pour toute, ce n'est pas parce que l'on est enfin réuni à la maison que l'histoire de la prématurité est terminée.

Factuellement déjà. Cet hiver, Peticha a bénéficié (comme de nombreux prémas) d'injection de Synagis chaque mois pendant la période épidémique de bronchiolite (le synagis n'est pas un vaccin mais plutôt une sorte de "dopant" pour aider bébé à lutter contre ce virus). Malgré tout, il en a fait plusieurs épisodes dès septembre ( à partir de quatre épisodes on ne compte plus et on appelle ça de "l'asthme du nourrisson") qui lui ont valu des inhalations, plusieurs fois par jour, de flixotide et de ventoline.

De plus, pas de piscine la première année. Ciao, les bébés nageurs.
Pas de mise en contact avec la collectivité. Bye bye, la crèche.
Et nous sommes très chanceux quand on voit les parcours d'autres petits héros.

Et puis, il y a le reste. Sur les inquiétudes inhérentes à la parentalité, se greffe LA grande  question que se pose chaque parent de préma (en tout cas, ceux que j'ai rencontré se la pose) : quelles sont et seront les conséquences de cette prématurité sur mon enfant?
Marchera t'il? Saura t'il parlé? Pourra t'il apprendre à lire?...

Le temps est la seule réponse à toutes ses questions. Or il est difficile de ne pas se projeter vers l'avenir quand on a un enfant. J'ai déjà du faire le deuil d'une certaine grossesse, quels autres deuils devrais-je?

vendredi 10 juin 2016

Un si petit héros.... #2


Pour lire la première partie de ce post, vous pouvez cliquer ICI.

La prématurité n'est pas, par définition, quelque chose qui se prépare. Ça vous tombe dessus.

Mon fils est né alors que je terminais juste le second trimestre de ma grossesse. Donc rien n'était prêt  : sa chambre, la valise pour la maternité, ses vêtements... et certainement pas moi, pas nous.
Je commençais juste à réfléchir à mon projet de grossesse : est-ce que je voulais une péridurale? est ce que nous voulions de la musique? Une ambiance particulière? Quel rôle voudrait tenir Chéri? Assister à l'accouchement?? Coupera t'il le cordon??

En une fraction de seconde toutes ces questions sont remplacées par une seule : Est-ce que bébé va vivre?


La prématurité vous vole une partie de votre grossesse. Les professionnels expliquent que les 9 mois de grossesse sont nécessaires pour que chacun puisse se construire et s'épanouir dans son nouveau rôle.


Pour ma part, je ne suis même pas sûre d'avoir senti mon, fils bouger dans mon ventre. Peticha étant mon premier enfant, j'ai bien senti des "petits trucs bizarre" mais pas  je n'ai pas eu le temps d'en avoir la confirmation. De plus, je rappelle qu'à la naissance, il ne pesait que 840 grammes.
Ce dont je suis sûre, c'est que Chéri n'a pas senti de coup de pied. Junior non plus.

Nous pensions qu'il nous restait 3 mois pour devenir papa, maman et grand-frère et en quelques minutes, ces 3 mois n'existent plus. Comme si nous avions fait un bon dans le temps ou que nous avions une amnésie d'un trimestre.

Avoir un enfant prématuré est un véritable traumatisme qu même titre qu'un accident de voiture. En une fraction de seconde, le monde autour de nous s'écroule.
En plus, on ne sait pas. Bien sûr, tous les jeunes parents ne savent pas s'ils vont y arriver ou pas. Les parents d'un prématuré ne savent pas s'il va vivre, s'il aura des séquelles, s'il marchera, s'il pourra parler... et n'auront pas de réponse avant des mois voir des années.

Les gens non plus ne savent pas. Ils ne savent pas quoi dire ni quoi faire. De ce fait, après la naissance de mon fils, JE n'ai eu quasi aucune visite (en dehors de nos parents, du frère de Chéri et de sa femme, ma sœur et ma meilleure amie). On ne m'a pas félicité.
J'essaye de ne pas en vouloir aux gens mais c'est parfois difficile d'être compréhensif. J'avais juste besoin de présence surtout le premier jour alors que j'étais séparée de mon fils.

S'ouvre alors à nous un monde nouveau. On le connait un peu parce qu'on en parle à la télé. mais maintenant, on va le connaître par cœur. Par cœur, le mot est totalement adapté, car chaque soir on y laisse le notre de cœur.

Chéri découvre d'abord la réa sans moi (toujours hospitalisé où mon fils est né). Il est accueilli par une soignante qui l'amène à la chambre de Peticha. On lui explique les fils, les machines, les bips. Mais il ne comprend pas tout. Ce n'est pas qu'il soit idiot ou que ça ne l’intéresse pas, c'est juste que pour le moment, il est inquiet pour son fils, inquiet pour moi.

Le lendemain, je les rejoins et à mon tour je découvre cet univers où tout est feutré, où tout est rythmé par les bips de machines.
On croise les autres parents, on se salue d'un regard, d'un hochement de tête entendu et compatissant.

Une puéricultrice m'explique tout, elle me fait visiter le service et m'en explique l'organisation.
Rapidement, des rituels s'installent. On devient des pros en lavages des mains, on enfile la blouse et le masque plus vite que dans un épisode d'Urgence ou de Grey's Anatomy et on sait exactement où se trouve chaque bouteille de solution hydroalcoolique.

Et puis, on commence à connaître tout le monde (chaque soignant se présente à chaque fois "bonjour, je suis Sam et c'est moi qui s'occupe de votre fils cet après midi"). On commence à parler avec les autres parents. On utilise du vocabulaire qu'on aurait préférait ne pas connaître : on parle de sipap, de bradys, de désat... les espoirs se mesurent en grammes pris et en taux d'oxygène.

Puis, un jour arrive une grande nouvelle : l'évolution de Peticha fait qu'il peut passer aux soins intensifs.

Vous n'allez pas le croire mais chaque changement de service a été très difficile pour à gérer (pourtant Peticha n'a jamais fait de retour en arrière). J'étais bien sur heureuse que les choses avancent pour mon fils mais j'éprouvais également énormément de peurs (surtout qu'il ne soit pas bien pris en charge dans le nouveau service).

Les semaines passent. Les chiffres sur la balance sont de plus en plus grands. De nombreuses étapes sont franchies : le premier kilo, le retrait de l'oxygène, le passage en berceau (sortie de l'incubateur), la première alimentation non gavée  (hors sonde naso-gastrique).

J'ai lu quelque part (désolée mais je ne me souviens plus et si quelqu'un a cette référence, je serai ravie de pouvoir l'ajouter) qu'être confronté à la prématurité est à la fois un sprint et un marathon.
Cette course ne serait pas possible sans les équipes soignantes. Dans les trois services où Peticha a été hospitalisé nous avons rencontré des personnes qui font leur travail avec une réelle passion. Qui peuvent rire avec vous puis vous offrir une oreille attentive lorsque vous craquez.. Pour moi dans cette course ils sont nos coachs.

Et je ne les remercierai jamais assez.

mercredi 1 juin 2016

Un si petit héros... #1


Dans mon premier post, je vous disais que Peticha a un parcours particulier.

Je vais vous le raconter aujourd'hui. Toutefois, je vous prie dès à présent d'excuser ce texte qui risque d'être un peu décousu. Sa naissance étant récente, je suis encore dans des émotions vives quand je la racconte et je me pers parfois dans mes explications.

De plus, je tiens à préciser que je ne vais pas vous parler ici de LA prématurité mais de NOTRE rencontre avec la prématurité. Je pense que chacun a une histoire qui lui est propre en fonction de son parcours, de son ressenti, de la façon dont il est entouré....

Ma grossesse a été compliquée. Mon médecin m'a prescrit un arrêt de travail avant la fin de mon premier trimestre pour deux raisons principales : 


- mon hypertension : avant ma grossesse, je faisais déjà de l'hypertension artérielle (HTA) mais avec mon cardiologue nous avions trouvé, après de très nombreux essais, le traitement adapté.
Quand le "projet bébé" a été lancé nous avons du changer ce traitement pas compatible avec une grossesse. Toutefois, nous ne sommes pas parvenus a trouvé le dosage qui équilibrerai cette satanée tension ;



- mon travail : quand nous nous sommes installés ensemble, Chéri et moi avons décidé que je viendrais "sur son secteur" pour éviter d'imposer trop de changement à Junior.
De ce fait, mon temps de trajet était de 1h30 (en voiture comme en train) chaque matin et chaque soir.
De plus, je suis éducatrice et j'intervenais à domicile. Ce qui ajoutait du temps en voiture (de manière très aléatoire).


Au fur et à mesure de l'avancement de ma grossesse, ma tension ne se stabilisait pas et les échos montraient un néné très remuant mais un peu petit.
Rapidement, le mot RCIU est tombé. Ce Retard de Croissance intra-Utérin est une conséquence de mon hypertension : à cause de cela les vaisseaux irigants le placenta n'ont pas pu remplir pleinement leurs fonctions.

J'ai donc dû être au repos au maximum. Avec le passage hebdomadaire de la sage-femme pour contrôler la tension et vérifier les protéines dans les urines (signes d'une pré-éclampsie [PE]).
Quand ma tension étati trop elevée, elle me déposait aux urgences gynecologiques pour une surveillance plus importante. J'y restais jusqu'à ce que ma tension baisse.


Un mercredi une protéinurie un peu limite l'a amené à me prescrire un exament complémentaire.
Le résultat de celui-ci m'a conduit, une fois de plus aux urgences de la maternité.


Me voici donc,à 28 SA (soit 6 mois de grossesse), le vendredi 13 mars 2015 aux urgences de la maternité avec une tension élevée et des protéines dans les urines.


D'abord se met en place le même protocole que d'habitude : je fais pipi dans un flacon (je ne vous ai jamais dit que c'était glam! ^^) puis on me met dans un lit et me branche a une machine qui prend ma tension toutes les 5 minutes.

Pendant, 1h30 je vois défiler des futures mamans angoissées parce que quelque chose ne va pas. Je ne suis pas inquiète pour ma situation. J'ai l'habitude, je vis cette situation toutes les semaines depuis la fin de mon troisième mois de grossesse.


Chéri arrive avec Junior qu'il a récupéré à l'école. L'infirmière entre à son tour avec un air différent de d'habitude: "Votre tension baisse mais vos résultats d'anaylyse ne sont pas bons".
Elle m'annonce que je vais être hospitalisée 24h et que je vais devoir refaire l'examen prescrit par la sage-femme et fait à mon domicile.


Chéri retourne à la maison me chercher le nécessaire et autant vous dire qu'à 28 SA rien n'est prêt.
A son retour, les 24h deviennent 48h le médecin préfère un temps d'observation plus long.

Je dis à Chéri de rentrer avec Junior qui commence à s'ennuyer sévère.

Vers 18h30, on me change de chambre. Le service étant vide, on m'installe en salle de réveil pour être au plus près du bureau des soignants et on commence le monitoring.

Le personnel vient souvent voir puis arrive le médecin qui commence à parler d'un transfert vers une maternité de niveau III. La plus proche est à 30 minutes de route de la maison. Les autres à plus ou moins 1h (sans compter les bouchons).
Il est clair : je serai transférée au premier endroit où il y aura de la place.

Les infirmières viennent de plus en plus régulièrement. Le médecin poursuit ses négociations pour un transfert mais en vain. Tous ont l'air de plus en plus inquiets. J'appelle Chéri, je lui demande de venir, je sens que la situation prend une mauvais tournure. LE temps de déposer Junior chez Papi et Mamie, il est là 30 minutes plus tard.

Nous discutons, toutefois nos voix et nos regards trahissent nos angoisses.

Puis le médecin m'annonce que le coeur du bébé ralentit et qu'il faut "mettre un terme à la grossesse". Ces mots je ne les oublierais jamais. Je me suis dit "mais ils veulent tuer mon bébé". Il m'explique qu'il parle d'une césarienne à laquelle Chéri ne peut pas assister. Il doit attendre derrière la porte. Il faut faire vite. De toute façon, ça ne dure que quelques minutes.

On me prévient que bébé risque de ne pas crier, je n'ai reçu qu'une injection pour favoriser la maturation de ses poumons.
Et pourtant, un cri. On me présente mon bébé pour un baiser. Une petite crevette de 840 grammes.
Puis il s'en va pour recevoir ses soins. Je le revois quelques minutes plus tard, intubé, minuscule dans son incubateur. Il part immédiatement avec le SMUR vers un hopital de niveau III. Je ne sais pas quand je pourrais le revoir.

Un nouveau monde s'ouvre devant nous, celui de la prématurité.